samedi 20 mars 2010

La mixture verte! (émulsion aux herbes fraîches)

La « mixture verte », c’est comme ça que mon fils - alors jeune adolescent - appellait cette émulsion d’herbes fraîches. Selon lui, j’ai pris un jour la décision hérétique de napper son steak avec cette horrible « mixture verte » peu à son goût. C’était sublime mais il était alors peu ouvert à l’idée et me l’a reproché longtemps en public!

Mais bon aujourd’hui il est (presque) adulte et apprécie (enfin!) cette émulsion… en autant qu’elle ne se retrouve pas sur son steak!

Alors, quand il fait partie des convives, je la réserve donc à l’accompagnement des poissons blancs grillés ou poêlés, ou des pétoncles, ou des escargots. J’aime bien napper l’assiette de cette sauce, y déposer le poisson dessus et parfois ajouter une salsa de tomates sur le poisson. Le contraste verdure/tomate et cuit/cru est divin.

Mais si mon fils n’est pas là, cette émulsion accompagne bien un filet mignon ou autre bon steak bien grillé – mais alors à l’italienne, dans une version avec plus d’ail que dans la recette qui suit! Elle est alors servie sur la viande, et non dessous.

Ma blonde adore ça, sauf qu’elle nomme cette émulsion la « bouette verte »… Quel respect pour cette recette!

Voici donc ces deux recettes – l’émulsion aux herbes fraîches et la salsa de tomate crues.

Sauce pour 4 personnes
Temps à prévoir :
préparation environ 10-15 minutes
Source : il me semble que c’est le père Daniel Pinard qui avait donné une recette similaire, que j'ai adapté à la moi. On s’ennuie, monsieur Pinard! ;)

- Une botte de persil italien, le bout sec des grosses tiges enlevées.

- Une bonne poignée de basilic frais, disons une tasse serrée

- Utiliser d’autres herbes? Pourquoi pas! On pourrait remplacer le basilic en tout ou en partie par une autre herbe (coriandre, cresson, menthe, etc.), mais faire attention de ne pas trop mélanger les herbes sinon la sauce aura un goût trop métissé et indéfinissable – un goût de "dessous de tondeuse", comme dirait ma blonde!

- Ajouter des câpres au blender? Miam!

- 2-3 gousses d’ail, ou plus

- 2-3 échalotes vertes, ou plus

- Huile olive

ü Dans une petite casserole, pousser l’ail, les échalotes et le max d’herbes dans le minimum d’eau bouillante (environ une demi tasse (125 ml) pour tout ça? Les herbes vont ramollir en cuisant et tout sera éventuellement submergé). Ajouter de l’eau bouillante au besoin.

ü Ne pas couvrir (on ne couvre jamais les trucs verts que l'on fait cuire) et faire bouillir 3 minutes en poussant les herbes dans l’eau à l’aide d’une fourchette

ü Prélever et garder un petit verre d’eau de cuisson

ü Égoutter dans une passoire et passer rapidement à l’eau très froide. Cette étape permet de garder la belle couleur vert vif des herbes fraîches et éviter que votre sauce ne soit grisâtre et triste.

ü Passer au robot mélangeur (ou le bizzz bizzz de Braun), avec 3-4 cuillères à soupe d’eau de cuisson. Si le mélange manque d’eau pour être réduit en bouillie fine par le blender, ajouter une cuillère à soupe d'au de cuisson à la fois. N’ajoutez pas trop d’eau pour conserver le goût herbacé prononcé de cette sauce.

ü Ajouter 2-3 cuillères à soupe d’huile d’olive au mélangeur, puis une cuillère d’huile à la fois, jusque consistance d’une bouillie. Attention de ne pas en mettre trop car l’émulsion va tout absorber l’huile que vous allez mettre, mais va goûter l’huile plutôt que les herbes. Moins bon.

ü Saler allègrement, et poivrer aussi joyeusement.

ü Réchauffer doucement avant de servir. Si l’huile se sépare de la sauce émulsion, brasser vigoureusement pour réhomogénéiser la sauce.

ü Servir sous le poisson, avec une petite salsa crue de tomates dessus (dés de tomates italiennes épépinées, persil italien ou coriandre, échalote verte, citron et huile d’olive)

ü Option : Je viens de relire l'original, et Daniel Pinard ajoutait de la crème 35 % à l’émulsion, ce qui rajoute un niveau de cochonçeté. C’est pas mal mais l’émulsion toute seule, sans une touche … de crèèèèmeu, se suffit très bien!

Pendant ce temps, je me disais en écrivant cette recette que finalement la seule sorte de cuisine qui ne devrait jamais figurer sur les pages de ce blog est cette folie de cuisine moléculaire ... et autres expériences similaires directement sorties de laboratoire de savants fous.

Je suis d’avis que cette mode (car s'en est une) est passagère et qu’on retournera bientôt à une cuisine plus traditionnelle, moins axée sur l’effet du contraste et sur la prouesse technique du savant dans son laboratoire. Je ne crois pas qu’on a fait avancer la gastronomie avec cette cuisine, on a surtout reculé en fait, car on est loin de la noble tendance en cuisine de la recherche d’ingrédients frais correctement préparés et mis en valeur.

Je crois que la cuisine doit être orientée vers le plaisir, et non seulement vers la prouesse technique, et sur la générosité plutôt que l’effet procuré par un bidule high tech qui coûte souvent une fortune (et qui est donc hors de prix pour la plupart des ménages).

Je n’ai pas lu le livre de François Chartier ("Papilles et molécules" - vraiment pas d'intérêt - voir plus bas), mais j’avais lu à l'époque et bien aimé le premier livre d’Hervé This – Les secrets de la casserole (en 1993). Je pense toutefois qu’il y a des limites à s’entêter à vraiment vouloir mettre ça en application en cuisine. On sort alors de l’amusante exploration éducative et délirante de la chimie de la bouffe pour entrer dans un monde élitiste absolument hors de la portée du commun des mortels, … sauf si vous consentez à investir une fortune dans les boutiques de cuisines. L’azote liquide, les cartouches d’air comprimé et autre bébelles ridiculement onéreuses, ben gardez les, vos maudites cochonneries! Ça va bientôt ramasser la poussière dans le fond d’une armoire, de toute façon...

Utiliser des produits chimiques ou l’analyse des molécules comme base en cuisine (ou en vin d'ailleurs), quelle idée! Je veux bien qu’on introduise dans un repas quelques bidules comme les billes (perles d'alginates ou autres gélifiants comme l'agar-agar, etc.) pour nous amener de temps en temps en territoire inconnu par de nouvelles expériences, mais de là à concevoir tout un menu basé sur des produits chimiques ou des procédés de déconstruction / reconstruction de la bouffe si high tech qu’on croirait développés par la NASA, berk!

Aussi, en passant, dans le même ordre d'idée je ne choisirai jamais un vin avec tel plat parce qu'il a 14 2/3 molécules aromatiques en commun. Mais quelle connerie! En ajoutant ce genre de critère snob, on désapprend complètement aux gens les critères de base pour connaître, choisir et apprécier le vin!

De plus, ce genre d'analyse moléculaire pseudo scientifique en lab n'est évidement pas à la portée de 99,9999 % des gens. En effet, dites moi, qui a un lab chez soi ou aurait accès à ça?

Si on est séduit par l'analyse des molécules olphactives, on aurait donc pas le choix de suivre ce nouveau gourou? Mais que c'est donc snob et prétentieux cette "analyse", monsieur Chartier!

En cuisine, je suis bien content de voir que de nombreuses voix parmi des chefs sérieux se lèvent pour dénoncer cette ridicule mode snobinarde – qui est dans les faits une cuisine spectacle hors de prix.

Sans parler de possibles problèmes de santé reliés à l'utilisation de ces produits chimiques, comme le croient plusieurs chefs, dont le grand patativore Joël Robuchon! Robuchon (et d'autres) s'inquiètent que des chefs utilisent dans leur "cuisine moléculaire" des produits qui sont dans les faits interdits dans l'industrie alimentaire. Inquiétant!

Enfin, je laisse la conclusion à Rocco Iannone, 33 ans, chef à Naples :

«Pour moi, le moléculaire cimente le divorce entre l'homme et la nature. Autrefois, le chef avait pour tâche de sélectionner le meilleur de la nature. Aujourd'hui, pour être à la mode, il faut mélanger des poudres d'additifs.»

Na!

1 commentaire:

  1. # Sebastien on 10/20/10 at 20:56 Editer... Supprimer!
    Je suis d'accord avec vos commentaires sur la gastronomie moléculaire. En particulier avec vos remarques sur le travail de François Chartier dans "Papilles et Molécules", un livre abominable que j'essaie de lire en entier. Étant moi-même formé en biochimie, je peux vous assurer qu'il est évident que M. Chartier ne s'y connaît tout simplement pas en matière de science et de molécules. Lors qu'il dit des trucs du genre "cet accord est le fruit de mes recherche scientifique'' j'ai presque' envie de déchirer le livre..! Quelle prétention! Quelle insulte au monde de la recherche scientifique!
    J'espère que des publications sur le sujet seront initiées ou confiées à des professionnels, car il y a quand même des notions intéressantes à retirer de l'études des accords mets-vins sous un angle moléculaire.


    # jopekin [Membre] on 10/20/10 at 23:58 Editer... Supprimer!
    Ben, merci de confirmer mes craintes face à cette chose étrange. Moi, je le vois du côté vinicole et c'est pour moi aussi une horreur: on désapprendrait au gens la base pour choisir et apprécier le vin, pour des critères nouveaux qui semblent ne pas du tout tenir la route!

    Je ne comprends donc pas du tout les prix que ce bouquin gagne... L'ont-ils lu?

    Dans son livre de recettes de papilles et molécules, il suggère un rôti d'agneau ... avec un riesling... parce qu'ils seraient de la même famille aromatique!!! C'est sûr que je vais l'essayer avec des amis, pour tester cette idée en toute objectivité, mais à priori, ça me semble grotesquement ridicule! J’aurai un cabernet sauvignon en réserve, ou un vin du Rhône!

    Joël

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