jeudi 8 avril 2010

Soupe tonkinoise au canard

Ceux qui me connaissent vont dire « enfin! » car je torture souvent mes amis avec cette soupe au canard. Mais cela ne semble pas trop mal car tout le monde en redemande!
La clé est de trouver les bons ingrédients, dont le canard laqué, mais aujourd’hui il y a de plus en plus d’épiceries asiatiques dans de nombreux quartiers de Montréal et en banlieue. Si vous restez à Québec, tant pis, alors écoutez CHOI en vous demandant pourquoi il y a peu « d’ethnies » à Québec.

(C’est une blague, gens de Québec, vous savez qu’on vous aime bien! Pour vrai, une visite à Québec est toujours agréable et on a hâte d’y revenir ! Mais il faut que vous sachiez que malgré ce que vous entendez à la radio chez vous, nous on parle rarement de vous en mal, vous savez … Fermez donc la radio-haine et allez faire un tour dehors... Allez, je vous paie une bière lors de notre prochaine rencontre :) )
Je vais très souvent chez Kim Phat, une petite chaîne de magasins de bouffe asiatique. Celui de Brossard, sur Taschereau est le plus gros de tous mais pour des raison de proximité le magasin de la rue Jarry est celui ou je vais habituellement. Il a un choix tout a fait suffisant pour mes besoins.

D’ailleurs, le restaurant attenant à ce magasin, Thmor Da, est fabuleux, me semble très authentique (on est loin du buffet chinois) et pas très cher. Sinon, je fréquente aussi les magasins Thai Hour.
Je vais donc essayer de montrer une photo de chaque ingrédient exotique, mais en cas de doute (car certaines racines se ressemblent beaucoup ou l'affichage dans ces magasins est souvent minimaliste), demandez aux personnes du supermarché, ils vous diront un beau « Bajao » et vous aideront sûrement avec plaisir, ces gens sont si accueillants.
Attention, par contre il est impératif de savoir que dans les épiceries et restaurants de soupes asiatiques se trouve la plus grande concentration de joyeux mais dangereux maniaques du couperet hachoir, qui prennent un plaisir dément à hacher votre pauvre canard laqué en petits morceaux mélangés de chairs, de cartilage et d’os.
Ce qui veut dire que vous aller toujours avoir un doigt dans la bouche en mangeant votre soupe, pour enlever un os ou un bout de cartilage, ce qui est généralement moins intéressant pour nous pauvres occidentaux.

Donc à la question « coupé? », répondez toujours « non »! car vous aller le dépiauter vous-même, cette bête. Mais le maniaque va être déçu et l’échange va souvent ressembler à ça :
Le fou furieux du couperet, accent asiatique, anticipant un massacre : coupé?Vous, bravement : pas coupé!
Le fou furieux du couperet, accent asiatique, surpris : pas coupé?
Vous, plus bravement : pas coupé.

Mais je sais bien que le but du cuisinier asiatique en mettant tout dans la soupe est de parfumer le bouillon encore plus, car la peau, les os et toute la carcasse du canard laqué ont beaucoup de goût.
Mais j’ai longuement réfléchi sur ce dilemme et je vais contourner ce problème, vous allez voir ce que vous allez voir! C’est un peu plus long mais c’est absolument fameux.
À un moment de ma vie, j’en faisais à tous les vendredis et cette soupe est appréciée par toute la famille, dont par ma fille Rosalie, mais vous l’auriez deviné.

Soupe pour 4 personnes
Temps à prévoir :
30 à 45 minutes de préparation, plus environ une heure 15 minutes de cuissonSource : recette traditionnelle vietnamienne, revue par moi.

Ingrédients (voir les photos plus bas)
- Bouillon de poulet
- un morceau de 2 pouces de galangal.
- deux branches de citronnelle (« lemon grass »)
- option : un ou deux petits piments rouges asiatique
- une grosse lime, ou deux petites
- sauce soya asiatique
- un bouquet de coriandre, avec la racine.
- option : un morceau de 4-5 pouces de racine de lotus.
- un canard laqué
- 2-3 poignées de
fèves germées
- 2-3
échalotes vertes
- option : basilic frais
- un paquet de nouilles de riz
- sauce de piment
Le bouillon
- Dans une grande casserole, mettre cinq - six tasses de bouillon de poulet
- Huit - dix tranches de galangal

OK, ça se corse déjà un peu car on trouve pas ça chez Provigo. Le galangal est une racine qui ressemble au gingembre, utilisée souvent en cuisine asiatique. C’est assez dur alors utilisez un couteau pesant dans votre cuisine. Par contre, pas besoin de le peler avant de trancher.

Dans la soupe, après cuisson, la tranche de galangal reste assez fibreuse mais il y reste beaucoup de goût. Vous le mangez ou pas, à votre choix. Goûtez-y!
 
















(j'ai perdu la source de cette photo - mes excuses à l'auteur!)
Sinon, omettez cet ingrédient ou utilisez du gingembre, mais c’est différent comme goût (nettement plus corsé que le galangal).
- Deux branches de citronnelle (« lemon grass »), coupée en 2-3 morceaux, et fendue en deux presque sur toute la longueur (ne pas la fendre complètement car on la retire avant de servir et si vous la fendez complètement, vous aurez plusieurs morceaux de citronnelle à retirer au lieu d’un seul).


(photo prise chez http://www.eurasie.net/webzine/spip.php?article176)

La citronnelle est maintenant beaucoup plus facile à trouver en supermarché, il y en a même dans mon Provigo, c'est dire...
Comme le galangal, dans la soupe, après cuisson, la branche de citronnelle reste très fibreuse, mais l’intérieur tendre est très bon. Goûtez-y!
- Option : un ou deux petits piments rouges asiatique (piment « crotte de rat » qu’on dit là bas, c'est poétique), fendus presque en deux, mais le piment doit se tenir en un morceau par la queue. À la pointe du couteau, éliminez les graines si vous voulez quelque chose de moins épicé. Ne pas utiliser de jalapeno, c’est vraiment pas pareil.

(photo prise chez http://www.laquarelledessaveurs.com/PBCPPlayer.asp?ID=343993)
Attention, ces piments sont terriblement corrosifs et d’une grande insistance dans cette hargne (si vous vous mettez un doigt dans l’œil, même des heures plus tard vous allez danser la danse de St-Gui). Donc je vous suggère fortement de les tenir par la queue pour les trancher en deux et ne pas toucher la chair du piment avec les doigts, autant que faire se peut. Utiliser une fourchette pour le tenir au besoin.
- Le jus d’une grosse lime, ou deux petites
- Sauce soya asiatique, environ 1/8 de tasse?
- Racine de coriandre. On la trouve maintenant de plus en plus facilement, la parfumée coriandre.

Mais souvent on la vend les racines coupées, ce qui est dommage. Si vous en trouvez avec racine, vous coupez donc la partie sans feuille (voir photo) et la balancez dans le bouillon, après avoir bien rincé les racines (la coriandre pousse souvent dans la glaise)


- Option : des tranches assez mince (1/2 à 3/4 cm) de racine de lotus. Ce qui n’est pas classique dans la soupe tonkinoise, mais c’est amusant et contraste, et ajoute une dimension crunch à la soupe, et c’est bien la dimension crunch car ça ajoute un amusant contraste de crunch contrastant et amusant.

Bon, OK, j’ai pas plus d’arguments que ça : c’est pas dans la recette originale, mais je l'ai essayé une fois et je l'ai adopté car c’est extrêmement joli et exotique la tranche de racine de lotus!


Donc choisir des racines de lotus qui ont 1 ou 2 pouces de large, et qui n’ont pas (ou pas trop) de marques noires ou brunes foncées car cela veut dire que l’intérieur aussi est poqué et doit être jeté.
- Porter le bouillon à ébullition puis faire mijoter à feu doux
- Ensuite, faire son affaire au canard laqué et le dépiauter soi-même, à moins que vous n’ayez répondu dans un terrible moment d’égarement « oui » à la terrible question « coupé? ».



 Ce n’est pas très long à faire, et un autre conseil, si vous achetez le canard pour le lendemain, dépiautez le quand-même à votre retour à la maison, car le canard laqué froid est nettement plus difficile à occire en morceaux décents.

Le canard laqué est une merveille culinaire de l’Orient. La peau du canard est glacée avec un sirop alors que la bête sèche sur une broche après qu’on lui ait enlevé les plumes. Puis après une journée de séchage et de glaçage, le canard est cuit au four (température très élevée, plus de 500 °F), toujours suspendu sur la broche, jusqu’à ce qu’il ait cette belle couleur dorée. Puis on le garde au réchaud sur une broche, souvent en vitrine.


(source de la photo perdue - mes excuses à l'auteur!)Donc éplucher et massacrer le canard et mettre la carcasse, les os et la peau dans le bouillon. Garder la chair au frigo pour plus tard.

Ainsi, le bon goût de la carcasse du canard laqué sera transmis à la soupe, mais sans voir les os dans notre bol car on va les repêcher plus tard. C’est l’une des astuces que j’ai développé avec le temps …
- Mijoter au moins une heure, et idéalement 1 heure trente c’est mieux.
La garniture
ü Pendant que ça mijote, couper le canard en petit morceaux (mettons un pouce max), et préparez une assiette de feuilles de coriandre, de fèves germées et de tranches fines d’échalotes vertes. Le basilic frais est aussi très agréable dans cette soupe.
La finition
ü Faire bouillir une grande casserole d’eau pour les nouilles de riz.
ü Avec une paire de pince à cuisine et une cuillère à trou, repêcher la carcasse, les os et la peau. Récupérez bien tout les petits morceaux que vous y avez mis. Attention, l’intérieur du canard contient souvent de l’anis étoilé qu’il faut repêcher car ça passe plutôt mal dans le gorgoton.
ü Remettre dans le bouillon tout morceau de racine (de coriandre, galangal, lotus, etc.) que vous repêchez accidentellement avec les os.
ü Mettre dans le bouillon la chair de canard, et laisser mijoter 15 minutes.
ü Durant ce temps, faire cuire les nouilles de riz, en brassant très souvent. Les nouilles de riz dégagent beaucoup de farine, alors il faut brasser assez souvent pour que cela cuise bien.
Idéalement, utiliser les nouilles de riz plates (un peu comme des fettucini), pas des vermicelles de riz, c’est moins amusant dans la soupe.

ü Quand les nouilles sont bien cuites (le al dente est une très mauvaise idée avec les nouilles de riz!), les jeter dans une grande passoire, et bien les rincer à l’eau chaude en les remuant délicatement avec une fourchette pour éliminer tout reste de jus de farine.

J’ai vu des asiatiques préparer les nouilles pour cette soupe portion par portion, en brassant constamment avec des baguettes pour éliminer la farine. Je trouvais ça un peu long et ça fait en sorte que tous ne sont pas servis en même temps.

Donc en bon occidental gourmand et paresseux, j’ai testé la cuisson de tout le sac de nouille en vrac, d’un coup, et ça fonctionne très bien si la casserole est grosse et remplie d’eau bouillante, si vous brassez assez souvent, et enfin si vous rincez à la fin à l’eau chaude dans la passoire. Une autre astuce.
ü Servir les nouilles au fond d’un grand bol, ajouter du bouillon (avec racines et morceaux de canard) et garnir au goût avec les feuilles de coriandre, les fèves germées et l’échalote verte.

Chez moi, j’utilise de gros bols à salade en porcelaine blanche de Pier 1 Import (j’en ai 6), absolument trop gros pour une soupe, mais c’est très amusant.
ü Pour les braves, servir à table avec une sauce de piment pour pimenter la soupe au goût de chaque convive – soit une sauce piment-basilic (super pour les sautés), ou la sauce au piment « Sriracha » (celle avec un coq dessus, elle vient de Californie et on la trouve à de nombreux endroits).

ü Option : juste avant d’égoutter, ajouter des bébés bok choy au bouillon de canard (bien les laver avant!).

Pendant ce temps

Voici la liste des 6 tomes disponibles :
Paul à la campagne (1999), divers souvenirs d’enfance
Paul a un travail d’été (2002), alors jeune moniteur de camp d’été, et premiers amours

Paul en appartement (2004), devenu jeune adulte, cégep, premier travail en graphisme, premier appart. C’est de ce livre que j’ai pris le « Bajao » cité plus haut (C’est le « Bonjour » que dit le dépanneur vietnamien avec son accent de nouvel arrivé quand Paul entre dans son dépanneur.)

Paul dans le métro (2005), regroupement de plusieurs petites histoires déjà parues (dans des revues je crois) : flashbacks divers (il y a même des bloopers à la fin!)

Paul à la pêche (2006), sur une pourvoirie pendant une semaine, et ou on observe ensuite les efforts répétés de Paul et de sa blonde pour avoir un enfant.

On observe aussi que le nombre de pages augmente avec chaque parution, ce qui montre que l’auteur prend plus de liberté et a plus de choses à dire, pour notre plus grand plaisir.

Paul à Québec (2009), ou l’histoire très touchante du cancer de son beau-père. Car ce n’est pas évident de toucher le sujet de la maladie et de la mort avec tant de tact, sans virer dans le patho. Mais c’est fait avec goût. Ce livre me tire des larmes même après plusieurs relectures.
, vous savez que je lis beaucoup, et pas que des choses dites « sérieuses ». Je lis aussi beaucoup de bandes dessinées.
Je voulais donc vous parler avec plaisir des bandes dessinées de « Paul », écrites et dessinées au Québec par Michel Rabagliati. Même si le premier est paru en 1999, j’avoue les avoir découvert plutôt récemment (en fait, lors de la parution du dernier), mais j’ai depuis acheté et dévoré les six tomes actuellement disponibles et je le relis souvent avec plaisir (et c’est publié à la toujours intéressante maison d’édition montréalaise La Pastèque).
Paul est semble t’il une sorte d’alter ego de l’auteur, qui couche sur les planches ses souvenirs d’enfances et d’adulte. Pour quiconque a vécu à Montréal depuis les années 60, la série des Paul rappellera de nombreux souvenirs : une chanson par ci, un restaurant ou un magasin depuis fermé par là, un événement dont tout le monde parlait alors, etc. Retour amusant dans le passé, sans que ce soit un simple trip de nostalgie.

Et Rabagliati insère dans ces histoires ses propres souvenirs et c’est souvent touchant et c’est ce qui rend Paul si sympathique. Mais il y a aussi beaucoup d’humour :




J’apprenais récemment que Michel Rabagliati a gagné le prix du public pour la BD en France en 2009 et qu’il aura une expo à Paris cet été! Wow, quel excellent représentant du Québec à l’étranger! Félicitations!
Fortement recommandé! Bonne lecture!

On dit souvent que c’est notre Tintin à nous, et je suis d’accord! Je lisais en quelque part (dans le Devoir?), et c’est très vrai, qu’il serait opportun de faire lire Paul aux immigrants, tellement on y fait bien le portrait du Québec d’aujourd’hui.

1 commentaire:

  1. # binoute on 04/09/10 at 12:23 Editer... Supprimer!
    À vous,

    J'adore Rabagliati. Je ne sais s'il est notre "Tintin" mais il est un peu moi.

    Merci et bonne journée.


    # jopekin [Membre] on 04/09/10 at 13:21 Editer... Supprimer!

    Oui, en effet, il y a un peu de Paul dans moi aussi! Merci de la visite!


    # Anie on 04/12/10 at 09:41 Editer... Supprimer!
    Finalement

    J'attendais la recette de cette soupe avec impatience !

    Racine de lotus ? Il faut bien manger chez Joël pour goûter à ce truc qui sort de l'ordinaire, mais ô combien original. Ce n'est pas tant le goût, mais sa texture :-)

    Bonne chance pour éplucher le canard, car j'ai vu des ados en manger la presque totalité avant de pouvoir le mettre dans la soupe.

    Un incontournable des recettes à Joël.

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